Tu tires la première est une adaptation des Bonnes de Jean Genet. En l’absence de Madame, leur maîtresse, Claire et Solange se mettent en scène dans des jeux de pouvoir. Elles rejouent et déjouent son emprise, empruntant ses robes, son ton de voix, ses attitudes, emmêlant fiction et réalité jusqu’au vertige. Ces jeux leur permettent de quitter leur mansarde, de se chercher, et de se réapproprier leur image en jouant avec celle de cette femme qui les fascine autant qu’elle les oppresse, qui les révèle autant qu’elle les dépossède.
En mettant en scène les rapports de domination qui les lient à leur patronne, elles mettent en place un jeu iconoclaste. Par leur statut social, Madame et Monsieur incarnent des figures d’autorité symboliques sur lesquelles on peut en projeter plusieurs : un.e patron.ne, un.e parent.e, un.e professeur.e, le féminin, le masculin. Pour les bonnes, se projeter dans ce qu’elles ne sont pas devient une cérémonie, une fête rituelle ou dionysiaque, à la fois dangereuse et libératoire.
Quand j’étais plus jeune, j’étais fascinée par des figures féminines : des stars, une directrice d’école, des personnages de fiction, des amies. Tout ce qui étaient elles me fascinait, elles étaient une surface de projection formidable pour mes propres fantasmes. En les imitant, en rejouant leurs attitudes, leurs mimiques, leurs gestes, leur ton de voix, je pouvais m’extraire de moi tout en étant profondément moi-même, en pillant dans toutes ces identités. Au même âge, à la manière de Claire et Solange, j’ai été marquée par des amitiés très fortes, fusionnelles, qui m’ont aidée à me découvrir, à passer de l’enfance à l’adolescence : à deux, on invente des langages, des mondes, des codes, on s’admire, on s’influence, et on découvre l’irritation voire le dégoût qui va de paire. L’autre n’est pas moi.
Ce qui m’intéresse, c’est d’articuler cette période de l’adolescence où l’on cherche à devenir soi en testant de manière sensible les limites du monde dans lequel on évolue, ainsi que celles des figures d’autorité, avec cette condition de « bonne ». Par le jeu, nous creusons la curiosité, l’admiration, parfois la fascination que créent l’altérité, et la tentation de tuer l’autre (réellement ou fictivement) -son pouvoir, son imprévisibilité, sa différence, son autonomie, ce qui échappe et empêche d’être soi. Avec légèreté et cruauté, comme dans les jeux d’enfants, quand on se croit seul.e dans sa chambre.
Maïa Foucault
Avec : Isis Ravel et Lucie Grunstein
Mise en scène : Maïa Foucault
Administratrice de production : Amandine Scotto
Production : Compagnie LA HUTTE
Avec le soutien de:
SIMONE – Fabrique de Territoire, des Ateliers Médicis, de La Manekine, du Pavillon de Romainville, du CENTQUATRE-PARIS et de Lilas-en-Scène.
Résidence de recherche à SIMONE – Fabrique de Territoire : du 07/03/2022 au 11/03/2022
Résidence de recherche et de transmission à la MJC de Montbard (dans le cadre du festival Transat – Les Ateliers Médicis) : du 04/07/2022 au 22/07/2022
Résidence à La Manekine – Scène intermédiaire des Hauts-de-France : du 31/10/2022 au 05/11/2022
Résidence au Pavillon de Romainville : du 03/07/2023 au 08/07/2023
Résidence au CENTQUATRE-PARIS : du 17/07/2023 au 30/07/2023
Résidence à Lilas-en-Scène : du 18/09/2023 au 22/09/2023