FAIRE PARLER

En m’inspirant de l’enfant dans le noir, j’ai voulu inventer des situations dans lesquelles on cherche la parole de l’autre, pour continuer à voir quelque chose, ou pour rendre visible ce qui ne l’est pas. J’ai proposé à Lucie Grunstein d’écrire avec moi des scènes, des fragments, où se jouerait chaque fois une situation dans laquelle quelqu’un fait parler quelqu’un d’autre, soit pour sauver de la disparition soit pour dévoiler ce qui échappe, pour rendre lisible l’étrangeté de l’autre. Faire parler, c’est un acte qui met en mouvement une personne vers une autre. Une action, une posture active, qui peut prendre différentes formes. Je cherche des interactions dans lesquelles une certaine qualité de communication est présente, ce qui permet aux personnages de changer et d’être changés.

Un enfant qui demande à sa tante de lui parler le soir dans le noir avant de s’endormir, pour conjurer l’anxiété de se retrouver dans l’obscurité.

Une femme qui parle à sa grand-mère; elle sait que chaque conversation est peut être la dernière. Elle lui pose des questions, et veut la faire parler pour garder avec elle sa voix, les souvenirs et la trace d’une existence qui disparaîtra bientôt. 

Un homme qui questionne sa femme pour tenter de retrouver la mémoire qu’il a perdue.

Une médecin qui aide une patiente aphasique à retrouver les mots qu’elle n’a plus. 

Un agent de la section anti-terroriste qui cherche à faire avouer la responsabilité d’un militant écologiste dans le saccage d’une cimenterie. Celui-ci décide de garder le silence. Loin d’être une absence de communication ou un laisser-faire, le silence crée un moteur de jeu, qui modifie la parole de l’agent, et tend sa curiosité envers cet autre insaisissable.

Un journaliste qui tente de sortir du cadre formaté de l’interview pour engager un dialogue réel avec une écrivaine célèbre.